« Mais tu ne respires pas ! »
Un autre homme ». C'est en 1996 que Jean-Pierre peut mettre un mot sur cette fatigue chronique et ces malaises. « La nuit, j'avais des sensations d'étouffement. Alors je me réveillais en sursaut dans le lit comme si j'étais en train de me noyer. » Sans compter les angoisses, les suées abondantes, les fréquentes envies d'uriner... Perplexes, les médecins rentrent dans des explications psychologisantes qui le laissent sur sa faim, et les antidépresseurs dans leur boîte. « Du folklore médical », résume le retraité au physique d'athlète. Alors pendant des années, Jean-Pierre remballe ses angoisses, et souffre en silence.
Jusqu'au jour où son épouse découvre le pot aux roses. « Mais tu ne respires pas ! », s'écrie Andrée, affolée, avant de secouer son mari comme un prunier. Quelques électrodes et nuits d'hôpital plus tard, le diagnostic est posé : Jean-Pierre est apnéique. « En deux ou trois jours, le problème était réglé : j'étais appareillé ! » Et reposé. Grâce a une PPC (Préssion Positive Continue) Jean-Pierre a retrouvé sa bonne humeur. Au premier matin de sa « première nuit complète », c'était un « autre homme ».
« Le ronron du bipap ». Après quelques essais d'appareil, Jean-Pierre a trouvé la solution idéale : le bipap qui « envoie de l'air sous pression pour obliger à l'ouverture artificielle des voies aériennes supérieures ». Aujourd'hui, en guise de table de chevet, un meuble accueille le respirateur, un humidificateur, et des gouttes pour soulager les muqueuses. Désormais, chaque soir, Jean-Pierre complète sa tenue de nuit par un masque facial. « C'est le troisième personnage du couple », sourit son épouse qui pour le coup en a perdu le sommeil les premiers temps. Pour sa décharge, l'appareil est très bruyant. « Le bipap ronronne », dédramatise Jean-Pierre. « Certains modèles me propulsaient de l'air dans la nuque », ajoute Andrée qui se réfugiait alors sous les draps. Un « tue-l'amour » pour certains couples. « Il y a la solution de faire chambre à part. Ou de s'habituer ». Andrée s'est habituée. « Moi je ne peux plus m'en passer », assure Jean-Pierre, qui en tant qu'ancien aviateur, a facilement toléré le masque.
Dangers sur la route. S'il va beaucoup mieux aujourd'hui, Jean-Pierre « ferraille » pour les autres. Au sein de Stop Apnée Sommeil 40, une association qu'il préside et qui représente 160 adhérents dans les Landes. Il informe, écoute, accompagne et aide les apnéiques et leurs familles. « L'apnée du sommeil touche environ 2 millions de personnes en France. C'est un syndrome pris en compte depuis 1976. Non traitée, la maladie peut avoir des conséquences fatales pour le patient et dangereuses pour l'environnement. » Une gravité reconnue par le gouvernement qui en 2005 a pris un arrêté pour limiter le maintien du permis de conduire pour les apnéiques, susceptibles de s'endormir au volant.
Mais pour autant, les traitements ne sont pas pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale, malgré leur coût élevé. « Or, tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir une mutuelle », oppose Jean-Pierre Dupuis qui se bat pour une prise en charge totale. Un combat qui le mène ce matin devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale. « J'ai le soutien de la fédération française des associations et amicales d'insuffisants respiratoires mais je serai le premier à franchir le cap du tribunal », termine Jean-Pierre Dupuis, qui plaidera lui même la cause des apnéiques à l'audience ce matin.
Stop apnée Sommeil 40.